Zébu Newsletter N° 42 du 15 mai 2009
Voici qu’arrivent les soirées fraîches sur Antsirabe, qui est, je vous le rappelle la région la plus froide de Madagascar (il gele meme en hiver – Juillet/Aout - rien que ça !). Nous n’en sommes cependant pas a faire du ski, ce qui est bien dommage car cela pourrait parer aux pannes incessantes de nos véhicules 2 roues et du vieil Isuzu qui se meurt ! Donc le climat s’adoucit, et la pluie s’en va aussi, nous parvenons enfin a rejoindre quelques endroits tres enclavés et inaccessibles en saison des pluies. Le travail s’en voit facilité.
Nous avons pu octroyer beaucoup de micro crédits aux paysans pauvres depuis la diffusion du reportage de M6 qui avait engendré une liste d’attente de souscripteurs. Cette liste d’attente a été tres profitable aux paysans car nous avons pu réduire a zéro leur propre attente pour l’achat de zébus durant deux mois. Nous avons pu résorber la liste d’attente souscripteurs en un mois et demi, ce dont nous sommes assez fiers ! Malheureusement l’engouement post-reportage ne dure qu’un temps et nous avons repris un rythme de souscriptions « bouche a oreille » qui ne suffit pas a satisfaire toutes les demandes de paysan que nous recevons. Ceci est bien dommage car nous avons pris le rythme et savons que nous avons la capacité de répondre a une demande accrue de souscriptions.
Le nombre de dossiers a traiter étant de plus en plus élevé et notre mode de gestion de plus en plus exigeant, l’analyse et le suivi de nos données deviennent particulierement ardus et chronophages. Nous sommes donc en passe de nous doter de quelques ordinateurs dignes de ce nom et d’un logiciel de gestion de micro crédits qui sera capable de gérer notre base de données et d’éditer directement les rapports nécessaires a l’organisation des visites et du suivi des paysans. Nous avons, grâce a la fondation RATP et notre partenaire l’association Mille Zébus, pu acquérir 5 unités centrales pour un prix tres intéressant. Pour le transport nous pouvons encore une fois compter sur l’aide de l’association Aéropartage (Corsair) , il restera a trouver une solution pour le dédouanement.
Notre choix de logiciel est quant a lui arreté et représente un compromis entre qualité, performances et cout. La licence du logiciel coutera environ 3.000 USD (2.200 €) puis 20% de cette somme par an. Nous pouvons envisager d’investir dans ce logiciel, mais un autre cout non négligeable est celui de la formation du personnel a l’utilisation du logiciel qui s’éleve normalement a 300 USD (220 €) par jour et par personne ! Nous cherchons un moyen de réduire ce cout en mutualisant la formation avec d’autres institutions de micro finance, mais cela restera élevé pour nos petits moyens, alors si un mécene zébuphile lit ses quelques lignes, nous serions heureux qu’il nous contacte !
Nous avons plusieurs stagiaires en ce moment : Tolotro et Lanto, étudiants en économie et communication d’entreprise nous donnent un solide coup de pouce au bureau, Ahmed et Raissa travaillent quand a eux pour le développement de la ferme pédagogique. Enfin Arnaud, étudiant en économie solidaire touche a tout, du travail de synthese a la mise en place d’une nouvelle pompe pour équiper les puits de la ferme.
A propos de la ferme, les portées de ce début d’année sont maintenant sevrées et en grande partie déja vendues. On ne perd pas de temps et on attend les prochaines. Les poules pondeuses nous posent quelques problemes, le taux de ponte a chuté et ne remonte pas, pourtant aucune maladie, les poules sont vermifugées, vaccinées, reçoivent vitamines et minéraux. La seule explication est un probleme d’alimentation, nous avons donc changé de fournisseur cette semaine et attendons de voir ce que cela donne. Mais la meilleure solution consisterait a acheter la matiere premiere dans les villages directement et de faire notre propre mélange ; en effet il arrive souvent que le contenu du sac ne corresponde pas a la composition annoncée afin d’augmenter la marge… C’est malheureux mais tres fréquent.
Les zébus de la ferme ont plutôt une vie calme, le personnel de la ferme n’étant pas tres motivé pour investir sur la formation a la traction de ces betes, ils continuent a travailler la terre a la beche si on ne vient pas leur dire de faire travailler les zébus.
Au niveau des cultures, nous avons coupé le mais (a la main), broyé le tout (au broyeur a manivelle), et ensilé dans un silo fosse (tassé au tonneau plein d’eau avec un acrobate dessus). Le riz n’est pas encore pret, mais la saison seche s’installe, espérons que l’eau résiduelle suffira a remplir les épis. Le soja a été récolté ainsi que les tomates, courges, panais afin de produire des semences. Actuellement, nous avons négocié avec le voisinage l’utilisation de terrains de bas-fonds et rizieres pendant la saison seche afin de faire du fourrage en contre-saison, nous sommes donc en train de semer de l’avoine et du ray-grass qui devraient compléter la surface de kizozi que nous avons déja installée.
Afin de pouvoir arroser en contre-saison, nous sommes en train de mettre au point un systeme de pompe a corde, couplée a un vélo pour faciliter le pompage. Pourquoi ce type de pompe ? Parce que c’est un systeme avec un tres bon rendement, qui coute tres peu cher et qui ne contient aucune piece qui ne puisse etre réparée localement a la différence des pompes a bras habituelles qui demandent des connaissances et du matériel pour etre réparées. Le but étant toujours de transmettre la technique aux paysans, ce type de pompe pourra etre facilement reproduit par eux.
D’ailleurs la derniere formation des paysans bénéficiaires a eu lieu a la ferme le 25 avril dernier. Comme d’habitude nous avons reçu environ 150 paysans qui ont passé la journée chez nous. La matinée a été consacrée a la formation, nous avons tout d’abord aborder l’amélioration des fourrages pauvres en saison seche : traitement des pailles a l’urée et complémentation catalytique par la fabrication de blocs a lécher a base d’urée. Ensuite nous avons abordé le traitement et la prévention des maladies parasitaires, principalement les vers. Nous avons terminé en élargissant de la santé animale a la santé publique en faisant intervenir Michel PIDOUX, zébuphile fidele et biologiste a l’hôpital d’Antsirabe, qui a sensibilisé l’auditoire a la lutte contre la cysticercose et le tania, encore tres présents a Madagascar. A suivi, le traditionnel repas pour lequel ont été sacrifiés deux de nos cochons a l’engraissement (larme a l’oil, si vous vous souvenez de la Newsletter n°39, il s’agit des porcs qui venaient de naître, en photo en train de téter !). Le 23 mai il y’aura une formation dans notre antenne de Fandriana, puis le 23 juin a Ambohimanga-Rova.
Nous avons décidé d’élargir notre aide a la formation aussi nous envisageons de récompenser les paysans les plus sérieux, c'est-a-dire qui ont bien compris le rôle du micro crédit pour lancer une nouvelle activité génératrice de revenus, qui sont consciencieux dans leurs remboursements et ont une envie manifeste de faire évoluer leur situation. Pour cela nous pensons offrir a leurs grands enfants un stage de formation polycultural complet, approfondi et tres pratique pour leur donner les bases nécessaires a un meilleur rendement. Nous offrirons alors un « pack » de lancement composé d’outils, de semences et de tout ce qui pourrait etre nécessaire pour appliquer les enseignements de cette formation. Le projet est en cours et nous vous en reparlerons dans la prochaine Newsletter.
Enfin pour etre complet, je vais aborder les problemes de terrain auxquels nous avons a faire face pour vous montrer que tout n’est pas tout beau et facile :
Il y’a quelques années, l’attente apres la souscription pouvait etre de 7-8 mois voire plus avant d’avoir son animal et nombreux étaient les souscripteurs mécontents de cette attente et qui nous le faisaient savoir ! Aujourd’hui notre organisation nous permet de répondre relativement vite aux souscriptions. En effet, nous traitons les demandes des paysans au rythme que le nombre de souscription nous permet, mais nous le faisons toujours avec une avance de deux ou trois semaines pour avoir le temps de faire l’entretien, l’enquete de terrain, l’achat et la photo du zébu avant (ou au moins en partie) la souscription. Ceci implique que nous avançons l’argent du souscripteur au paysan. Si nous ne le faisons pas, le délai pose de nombreux problemes aux paysans et il ne nous en parle pas forcément, ainsi le vendeur n’ayant pas voulu attendre, ils ont acheté un autre animal que celui dont nous avons les papiers et la photo, ils ne nous préviennent pas et quand le souscripteur vient voir son zébu celui-ci a changé de couleur voire de sexe ! Evidemment, celui qui passe pour le malhonnete, ce n’est pas le paysan… c’est la ZOB. C’est pourquoi nous attribuons au souscripteur un animal qui vient ou qui va tres vite etre placé pour contenter et le paysan et le souscripteur. J’espere que vous comprendrez ce mode de fonctionnement, que je vous expose ici car nous venons de recevoir un mail de souscripteur suspicieux sur notre activité car l’attribution de son animal n’avait pris qu’une semaine…
Autre probleme récurrent : Nous signons un contrat avec les paysans dans lequel ils s’engagent a ne pas se séparer de l’animal avant la fin du remboursement puisque celui-ci n’est pas encore leur propriété mais celle du souscripteur. Malgré cela, il arrive parfois que le paysan ait revendu ou mangé le zébu et acheté un autre (ou rien racheté du tout), et de peur de se faire houspiller ne dit rien lors de notre passage, prétextant que le zébu est parti travailler… et le jour ou nous donnons rendez-vous au paysan car le souscripteur est de passage, le zébu est introuvable et le paysan nous avoue enfin qu’il l’a revendu… Encore une fois, le manque de sérieux et de responsabilité de certains paysans nous nuit, car le souscripteur pense alors que le zébu n’a jamais existé. Pourtant nous disons aux paysans lors de la signature du contrat que si le zébu ne convenait pas et qu’ils voulaient en changer, cela était exceptionnellement possible a condition de nous prévenir afin que nous informions le souscripteur et refassions une photo du nouveau zébu. Malgré cela, on trouve toujours des réfractaires.
Pour essayer de contrer tout cela, nous sommes en train de mettre en place dans un village test, une nouvelle procédure qui s'appuyerait d'avantage sur le cautionnement solidaire entre les paysans, et un comité local qui grâce à leur connaissance des uns et des autres, serait chargé de valider les demandes en filtrant les paysans voulant abuser de notre confiance. Cela est tout frais, nous en reparlerons.
Pour les brèves, notons :
- Le proces que nous avons intenté a certains anciens membres du personnel s’est conclu par une condamnation de 2 ans de prison ferme et 300 millions d’Ariary de dommages et intérets pour l’ancien chef de bureau, responsable des contrats avec les paysans. C’est un signal fort qu’on ne plaisante pas avec l’aide aux paysans a la ZOB et que tous ceux qui seraient tentés de se servir au passage pourraient le regretter.
- l’Association « Mille Zébus » présidée par Gilbert Eusebe a Bagnolet (Paris), s’occupe de centraliser vos paiements par cheque et Carte bancaire et a nous les envoyer groupés pour réduire les frais bancaires. Elle nous aide beaucoup dans nos infrastructures (cf. PC Ratp, logiciels, future base de données, communication sur la ZOB en France…)
- L’Association Bouffons-Bio, a l’occasion de leur salon du Vin a Montreuil ont beaucoup parlé de la ZOB a leurs visiteurs, pour cela nous les remercions chaleureusement.
- Nous n’avons toujours pas eu de réponse de la Banque Centrale pour notre demande d’agrément d’Institution de Micro Finance
- Nous avons eu peu de visites de souscripteurs depuis le début 2009, la situation du pays en a découragé plus d’un, maintenant que le calme revient quelques souscripteurs sont revenus nous rendre visite.
Liens utiles :
- Association Mille Zébus, contact mail : contact@millezebus.org
- Fondation RATP
- Association Aéro-partage
- Association Bouffons Bio
- Banque Centrale de Madagascar
Pour l'équipe ZOB,
Dr Pierre-Alexandre PERRIN